DBR-RADIO
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Haute-Normandie
France
Je n'attendais aucune réponse de sa part.
Quelques semaines plus tard, on m'annonça qu'il se tiendrait à Paris un festival du cinéma indien. Que de nombreuses vedettes de Bombai viendraient assister aux festivités parmi lesquelles l'étonnant Sharukh Khan et la très remarquable Preity Zinta. Etaient conviés également le réalisateur et producteur Yash Chopra. Dominique Aubier me demanda de faire en sorte que je puisse remettre son ouvrage à ces personnalités: il s'agissait d'établir un lien symbolique direct et personnel avec l'Inde, entre l'exégète du cinéma et ses principaux  acteurs.
Le 26 avril 2006, je me rendis donc à Paris, au Virgin Megastore pour tenter de réaliser cette opération.
Quelle aventure ! Les Champs Elysées étaient bondés de "fans" !
Avec Olivier Verger qui m'accompagnait, nous avons réussi à nous frayer un chemin. Mais je voyais mal comment il nous serait possible d'aborder les vedettes et remplir notre mission… Olivier eut la bonne intuition : "Il n'entreront pas par la porte principale, mais par une porte latérale, c'est évident". Nous nous sommes donc transportés vers l'issue de secours, au fond d'un couloir minable à l'extrémité du magasin. Et nous avons attendu… Et là l'improbable soudain devient réalité. Une porte s'ouvre, un garde-du-corps entre : une armoire à glace avec des biceps gros comme un tronc d'arbre. Il se dirige droit sur moi. "Ca y est, me dis-je, ma dernière heure a sonné. Il va m'attraper, et d'une chiquenaude il m'expédiera sur le trottoir." A ma grande surprise, il m'adresse la parole le plus poliment du monde et me dit : "Monsieur, vous avez une belle cravate. Vous accepteriez de fixer la mienne ? Je n'arrive pas à faire le nœud."
Trois minutes plus tard, arrive un autre gaillard, non moins musclé que le premier. Il s'avance vers moi et me désigne de l'index. "Eh, vous, là ! Il parait que vous savez faire les nœuds de cravate ? C'est mon collègue qui me l'a dit. Vous pourriez m'arranger la mienne ?"
A peine ai-je fini de resserrer le nœud à la mode Windsor, qu'arrive un troisième Malabar, aussi souriant que les deux premiers, affublé du même problème. Histoire de cravate !
Et voici qu'arrive le petit autocar transportant l'équipe du film.
La première qui en descend… bon sang, c'est elle ! Sortie droit du film Ghulam !
Elle salue la foule… Pendant ce temps les trois videurs veillent à faire sortir tout le monde du hall où nous l'attendions. Tous les journalistes sont mis à la porte, les fans aimablement repoussés. "Bon, ça va, me dis-je, il vont me faire sortir, comme les autres…" Eh bien pas du tout. Il m'ont laissé, en m'adressant un hochement de tête, complices. Je me suis retrouvé tout seul dans le hall d'accueil.
Les organisateurs de l'événement n'avaient prévu aucun accueil pour les stars. Personne pour les recevoir à leur arrivée… La comédienne marque un arrêt, cherche du regard s'il y a quelqu'un pour lui dire où aller… Mais rien… personne pour l'accueillir.
 
Rani s'avance vers le hall où je me trouve. Elle ne peut aller ailleurs. Je porte une superbe veste verte, une chemise couleur grenat et une cravate, bien nouée, bleue cobalt à pois dorés.
Comme décidément personne ne vient à sa rencontre pour la recevoir, elle marque un nouvel arrêt et attend un instant. C'est décidé, je vais vers elle. L'occasion inouïe de lui parler.
 
Comme j'apprenais le Hindi depuis trois semaines, ce fut pour moi l'occasion de tester mon niveau. Je lui décochais une phrase… Qui la fit rire : "Tumhare anke bahut sundar ho" lui dis-je. Elle eut la gentillesse de me donner une leçon de grammaire et m'expliqua (en anglais) que s'agissant d'un pluriel, il fallait dire "hain" au lieu de "ho".
Ah l'extase ! Mon actrice adorée sur l'écran, soudain à portée de la main ! A trente centimètres de moi, qui me parle et me sourit !
J'eus l'audace, l'impertinence de porter ma main sur son épaule gauche, en lui disant comment je m'appelais.
Je lui demandais, en anglais cette fois : "Je vous ai écrit, il y a quelques semaines, je vous ai envoyé mon livre de poésie, un livre avec une couverture jaune…"
— Ah, c'est vous, dit-elle ? Je me souviens du livre. Je ne vous ai pas répondu… Ce n'était pas très gentil de ma part…
— Vous rencontrer, c'est la meilleure des réponses, lui dis-je, en lui offrant le livre de mon maître. Je lui expliquai qu'il s'agissait d'un ouvrage sur le code initiatique traversant certains films indiens qui apparaissent comme des mise en œuvres explicites de la Connaissance au plus haut niveau. Et vous y êtes mentionnée plusieurs fois…
— Il faudra m'expliquer tout cela, dit-elle. Vous savez, j'ai toujours eu l'intuition, en tant qu'actrice, de participer à quelque chose qui me dépasse… Je garde le livre, dit-elle, et je me souviendrai de vous…
 
C'est ainsi que j'ai rencontré Rani Mukerji la première fois. Depuis lors, nous sommes restés en relation.
Rencontres espacées dans le temps, sans que la distance ne joue.
Le temps, c'est ce qui se déroule entre deux instants promulgués par Dieu, lui ai-je écrit récemment.
— Alors, m'a-t-elle répondu, attendons Sa décision…
 
En cours de préparation (2020) : production radiophonique internationale, avec All India Radio : l'enregistrement de Gitanjali, de Rabindrantah Tagore (L'Offrande Lyrique). Lecture du texte Bengali original par Rani Mukerji et Ajai Devgan.
Les choses ne sont pas exactement entre les mains des hommes. Bien souvent, nos intentions sont contrariées, et aucun de nos projets ne réussit, quand bien même nous les avons soigneusement préparés et mis au point. Mais il arrive aussi que les choses les plus inattendues, les plus inouïes se réalisent. Contre toute attente, l'improbable se voit couronné de succès. Qui est le "maître d'œuvre" dans ces réussites ?
 
Tout commence avec le film indien "Ghulam", de Mukesh Bhat.
On m'avait offert ce film en me garantissant que c'était là une forme de cinéma qui méritait le détour: le cinéma indien, plus connu sous le nom de "Bollywood". N'ayant aucun a priori, je me suis dit : pourquoi pas. Allons-y !
Eh bien j'ai été sidéré. Par la facture du réalisateur — 100% efficace — ,  par le jeu des acteurs (Amir Khan au meilleur de sa forme), par l'enjeu spirituel qui se dégage de l'histoire. Je ne vais pas ici vous résumer ce film, qu'il suffise de le regarder et pour bien le comprendre, de lire le livre que Dominique Aubier a consacré au cinéma Indien, publié sous le titre "Bolliyoud".
Ce qui m'a étonné, c'est le regard de la jeune actrice jouant le premier second rôle (Alisha). Cette comédienne crevait l'écran, au point que j'eus l'impression qu'elle sortait littéralement de son jeu pour laisser transparaître son véritable "je" jusque dans notre salon où je visionnais le film ! J'ai vite recherché le nom de l'actrice et me suis mis en quête d'un autre film où elle interpréterait un autre rôle. Histoire de vérifier si mon intuition se vérifierait. J'ai acheté le film "Kuch kuch hota hai", réalisé par Karan Johar.
 
Là aussi, j'ai visionné le film, sans a priori. Cela a son importance, car le directeur artistique du festival de Cannes ne peut en dire autant, lui qui exècre le cinéma indien au point de le bannir de toute compétition… Sans doute par peur de le voir rafler tous les prix ?
Donc, sans a priori !
Et là, stupeur. Quel cinéma ! Quelle mise en scène ! Du vrai cinéma.
Oui, "Kuch kuch hota hai" est un film sublime. Qualifié par la critique occidentale de film "kitch", il n'en est pas moins à mes yeux l'un des plus grands films du cinéma indien des 15 dernières années. J'en ai apprécié le symbolisme, l'extraordinaire traitement initiatique par un cinéaste inspiré. Le don total des acteurs, entièrement dévoués à leur mission. Là aussi, je renvoie au très bon livre de Dominique Aubier consacré au cinéma indien : "La Porte de l'Inde".
J'y ai retrouvé mon actrice… très jeune, très "ado", dans ce film daté de 1996. Visiblement, c'étaient là ses débuts.
Faisant une petite enquête sur elle en naviguant sur la "toile", je trouvais une adresse et j'appris qu'elle était née un 21 mars.
— Bon sang, me dis-je, nous sommes le 10 mars. J'ai tout juste le temps de lui écrire et lui souhaiter une bonne fête.
 
Aussitôt je me fendis d'une lettre, accompagnée de mon recueil "Profil Humain". Et j'adressais mes voeux à cette inconnue…
Rani Mukerji
 
A good friend. Une amie…
 
Nous nous sommes rencontrés la première fois en 2006, à Paris.
Le hasard était de la partie… A moins que ce ne fut le bon vouloir de Krishna ?