Dans le sillage de Molière et Corneille, ses contemporains, Jean Racine écrit une œuvre théâtrale éblouissante. Orphelin d'une famille modeste, jeune auteur adulé par des femmes influentes, le voici rapidement promu parmi les intimes du roi Louis XIV dont il devient l'ami et le confident. Quel est le secret de cette fulgurante réussite littéraire et sociale ? Comment ce « provincial sans naissance » parvient-il à conquérir le Public et à s'insinuer au cœur de l'appareil politique du Grand Siècle, au plus près du Pouvoir central ? Qui était Jean Racine ?
Les documents historiques abondent mais ne percent pas le secret de cet homme qui semble avoir gardé pour lui l'essentiel de sa méthode et son projet. Cependant, c'est en décryptant son théâtre, d'Iphigénie à Bérénice, de Britannicus à Phèdre, que transparaissent ses ambitions et les sources de son inspiration. Elles émergent au grand jour dans ses pièces Esther et Athalie : Racine, sans nul doute possible, est un kabbaliste hors pair.
Maîtrisant l'hébreu, sa connaissance des Textes est remarquable. Se référant au Pirké de Rabbi Eliezer, au Zohar araméen, au Sefer Yetsirah, il conçoit une nouvelle forme de représentation scénique : en rupture avec l'académisme, il invente un théâtre organique édifié sur le modèle des Séphiroth ! Sous couvert de l'érudition gréco-latine, citant à profusion Euripide, Homère et Aristote, il n'en sert pas moins au Public — à la Cour — un théâtre infusé aux critères initiatiques de la kabbale hébraïque !
Quel jeu joue-t-il ? Qui se profile sous le masque ?
Formé à Port-Royal, école soupçonnée de sédition, persécutée puis interdite, fut-il aux côtés de l'épouse du roi, Madame de Maintenon, l'agent secret d'une cause spirituelle « révolutionnaire », contre-inquisitoriale, infiltrée au cœur du Pouvoir? Que préparait-il ? Un coup d'Etat culturel dont le Théâtre serait le vecteur symbolique ? Tout le laisse à penser, tant Esther et Athalie, directement inspirées des épisodes bibliques correspondants, mettent en scène non seulement la salvation du peuple d'Israël, mais également un subtil commentaire imagé du rôle civilisateur du théâtre.