Il se trouve, expliquais-je à mon jeune ami, que si tu m’avais parlé hier matin de ton devoir de classe sur SCHNABEL, je t’aurais présenté à celle qui fut l’élève du premier disciple de ce maître, le professeur AUBE TZERKO. YONGMEI t’aurait raconté, non pas ce que l’irremplaçable Internet diffuse déjà, mais cette jeune artiste dont le critique LYN BRONSON souligne l’intelligence, le goût, le raffinement t’aurait montré directement sur le clavier en quoi réside le secret du compositeur dont tu cherches les références.
Mon voisin en était sidéré. Et il y a de quoi ! Lui qui me parle d’un compositeur dont il glane des informations sur le Net, et moi qui venais, la veille, de rencontrer l’artiste qui en était la disciple ! Signe, signe évident, me dis-je, signe donné par la vie qui crée ces conjonctions qui ne doivent rien au hasard, à moins que le hasard, comme le dit BERNANOS, ne soit la logique de Dieu. — Oh je le reconnais, ma subjectivité est immense : je fus séduit par Yong Mei sans même l’entendre jouer de PROKOFIEV la célèbre Sonate n°6 en A majeur, Op. 82 ! Mais avouez : quelle coïncidence !
Je fus d’abord intimidé : cette jeune femme, née à Shanghai, grand prix de la société musicale de Carmel, élève de NATHAN SCHWARTZ, MACK MCCRAY, PAUL HERSH. Disciple de MISHA DICHTER, RICHARD GOODE, LEON FLEISHER et ANDREAS SCHIFF. A quoi elle ajoute une solide formation technique approfondie chez STEPHEN BISHOP-KOVECEVICH, YEFIM BRONMAN, VITALY MARGULIS et GYORGY SANDOR. Gagnante du prix SHERMAN CLAY au concours international des jeunes artistes à San Francisco, elle bénéficie des chaleureuses recommandations de MEHLI MEHTA, chef d’orchestre à Los Angeles.
Je suis hélas un ignorant. Je ne sais pas lire une partition, et n’ai aucune compétence pour juger de la qualité d’un jeu. Je l’ai dit franchement à YONGMEI. Elle ne m’en a pas voulu. Bien au contraire, je crois qu’elle a compris que dans mon innocence de profane, elle trouverait l’oreille attentive, simplement sensible, capable de sentir la musique plutôt que l’expliquer. Elle eut la générosité de m’offrir un enregistrement du récital qu’elle venait de donner à Prague, au fameux RUDOLFINUM, sous l’égide de l’INTERNATIONAL FOUNDATION OF ART AND SCIENCE de Florence, sous la direction d’ALFRED MARCO KÖNIG. Je le répète : la musique, je n’y connais rien. Mais en tant qu’écrivain, poète, je suis sensible à la forme, la construction, l’édifice d’une œuvre, et je sais, du moins je l’espère, apprécier l’esthétique d’un phrasé quand il déroule une pensée. YONGMEI nous livre-t-elle ROSSINI, qu’une fois de plus, mon aveu d’incompétence se doit d’être prudemment rappelé. Je ne sais rien de ROSSINI. Mais de l’interprétation qu’en a faite YONGMEI, je puis vous décrire ce qui me vint à l’esprit : un poème de PAUL VALÉRY dans un long frisson sensuel. Oui, c’est LA JEUNE PARQUE, dans ses vers sublimes qui accompagna le doigté de l’artiste…