Rizal, ophtalmologiste
Le corps médical peut s’enorgueillir de compter parmi les siens ce grand auteur qu'était l’ophtalmologue philippin José Rizal (1866-1899). Généraliste, Rizal se spécialise dans l’ophtalmologie lors de son séjour à Paris, sous la direction de Louis de Wecker, puis à Berlin du spécialiste Otto Becker. Sa motivation ? Sa mère perd la vue. En fils reconnaissant, il étudie la science de la vision. Revenu dans son pays, celui que Miguel de Unamuno appelait "le Don Quichotte des Philippines" devient le principal concepteur de l’indépendance de sa nation.
En cette fin du XIX° siècle, l’ophtalmologie, selon ce qu’indiquent les manuels techniques de l’époque, était déjà fort avancée. Connue des Grecs, notamment par Hippocrate qui diagnostiquait avec assez de précision certaines pathologies (uvéites, glaucomes etc.) l’ophtalmologie s’est beaucoup développée en Egypte antique. De nombreux documents furent trouvés dans les pyramides, aux pieds des momies, mentionnant l’existence d’une médecine des yeux . Les anciens avaient développé une impressionnante pharmacopée. Mais il fallut attendre le XVIII° siècle pour qu’une révolution bouleverse les usages de la médecine : l’ouvrage d’Antoine Maitre-Jean est un immense traité sur la cataracte, qui reprend l’ensemble des notions connues à son époque. Les 100 premières pages de son ouvrage décrivent l’anatomie et la physiologie oculaires. Tout en étant sous-tendue par des recherches personnelles, cette description reprend la quasi-totalité des notions anciennes à l’exception de celles, innovantes et originales, concernant le cristallin et la vision. Antoine Maître-Jean s’est appuyé sur des expériences de chambre noire, de réflexion et de réfraction de la lumière, de réfraction dans les verres concaves et convexes suivies d’application à l’œil et de l’image projetée sur la rétine. Il en déduit que le cristallin n’est pas absolument nécessaire à la vision, mais qu’il permet la vision précise.
Sa volumineuse étude est un véritable guide du praticien ophtalmologue. Les spécialistes modernes s’étonneront des précisions chirurgicales de l’époque… Son livre marque une étape essentielle dans l’évolution des connaissances des maladies oculaires et spécialement de celles du cristallin. Par ailleurs il représente le premier traité moderne d’ophtalmologie, car il est un traité complet et systématique, rédigé à partir d’expériences personnelles. Il est nettement plus important, plus riche et plus systématisé que celui de son contemporain, Guillemeau. Il a certainement lu le traité de la cataracte et du glaucoma, de Pierre Brisseau, publié en 1709. Le traité des maladies des yeux de Charles de Saint-Yves (1722), est composé de manière classique : une partie réservée à l’anatomie de l’œil, l’autre aux pathologies et traitements.
Dès le XVII° siècle, l’on distinguait les trois sortes de vues : la bonne, la vue de myopes et la vue des presbytes. Le myope a le cristallin trop voûté, chez le presbyte il est trop plat. La bonne vue se change quelquefois en myopie surtout chez les personnes qui lisent beaucoup, elle peut aussi changer en presbytie dans un âge avancé. La vue des myopes ne change jamais, celle des presbytes se change souvent en bonne vue.
Maladies les plus courantes obturant la vision : l'anchilops ou abcès du grand-angle. L'ægilops ou fistule lacrymale, une ulcération du sac lacrymal. Fistules des paupières, l'orgelet (qui se soigne par application d'un emplâtre de pommes cuites). La grêle, une petite tumeur blanche et dure. Les verrues sur les paupières… Le trichiasis qui provoque le frottement des cils sur l'œil, la paralysie de la paupière supérieure (qui se soigne par des bouillons de vipère et les eaux minérales), l'éraillement des paupières, l'inflammation et l'érésipèle, l'hydropisie, les athéromes, le symblépharon ou union contre nature des paupières. Le strabisme, les contusions oculaires, l'ophtalmie (qui englobe toutes les affections caractérisées par une inflammation ou une rougeur de la conjonctive, qu'elle s'accompagne ou non d'écoulements).
Autres pathologies : les abcès de l'œil qui se localisent sur la cornée, la conjonctive ou l'uvée. Dans ce dernier cas, le pus ayant rempli la chambre antérieure, Saint-Yves préconise l'incision de la cornée et le lavage de la chambre antérieure à l'eau tiède. La cataracte, le glaucome, les maladies de la rétine, comme le détachement de la choroïde qui se soigne par des bouillons d'écrevisse, des purgatifs répétés et des poudres de vipères et de cloportes. Mais la maladie la plus pernicieuse en ophtalmologie est le cancer des paupières. Que l’on appelle également noli me tangere, car l'opération n'est que rarement suivie de succès.
Le cancer des paupières…ou le « Noli me tangere ».
Noli me tangere (Ne me touche pas) est le surnom que donnaient les ohptalmologues au cancer des paupières. C’est également le nom d’une fleur, la balsamine sauvage. Quand cette fleur atteint sa maturité, au moindre choc, les capsules se contractent subitement et leurs valves se roulent en projetant des graines autour d'elles. C’est le titre du célèbre roman de l’ophtalmologue José Rizal.