Magellan et Charles Quint
Magellan écrit au roi d'Espagne, Charles Quint. En moins de 5 jours, la réponse lui parvient depuis Madrid. Il est convoqué.
Conseillé par son beau-père Diego Barbosa, l'influent alcalde de l'Arsenal de Séville, il fait valoir au jeune empereur les aspects économiques de l'affaire : concurencer le Portugal, en contournant le globe par un passage dont il a, non pas l'intuition, mais la certitude, ayant découvert un manuscrit à la Casa de Indie e da Guinea, où étaient conservés les documents les plus précieux de la géographie de l'époque : une carte d'un certain Martin Behaim, tracée à Nuremberg en 1492, qui laisse entrevoir un passage au Sud du Brésil. Et que penser de ce globe de Johann Schoener, 1515, qui indique clairement ce passage vers le Sud ? Il propose au monarque de monter une expédition afin d'identifier ce passage qui, selon les cartes, se trouverait à 40 degré de latitude. Un accord secret prévoit que sa flotte traverse le détroit et se rende de l'autre coté, là en effet, le traité de Tordesillas daté de 1494 qui coupe le monde en deux à partir d'une ligne tracée à 300 lieues à l'Ouest des Açores n'entrerait plus en vigueur. Ou de manière si incertaine que toutes les interprétations en sont possibles. Ce traité prévoit en effet que les terres situées à l'Ouest de cette ligne appartiennent à la couronne d'Espagne. Celles situées à l'Est revenant au Portugal. Qu'en est-il de l'Ouest et de l'Est de l'autre côté du globe, quand les deux directions se rejoignent ?
Ce sont là conjectures politiques. Magellan n'y porte pas d'intérêt. Il n'est que navigateur. Le véritable projet, son projet personnel, —rejoindre Francisco Serrão— il le gardera pour lui. Antonio Pigafetta l'évoquera une fois à bord, mais l'Amiral, principal intéressé, n'en dévoilera rien à la commission qui le convoque à Séville. Prié d'exposer son projet en détail au redoutable cardinal Fonseca, Evêque de Burgos, président de la Casa de Contratación, il conçoit un discours appuyé sur des arguments politiquement recevables. Accompagné du géographe Faleiro, il présente à l'Evêque un globe terrestre et démontre que, si ces îles couvertes d'or, de girofles, de poivre, de canelle, reviennent de droit à la couronne d'Espagne, leurs habitants rendant allégeance au Roi, recevraient la communion et deviendraient autant de fidèles soumis à la religion du Christ.
L'Evêque est subjugué, Charles Quint, séduit. Le roi signe un contrat en bonne et due forme avec le navigateur. Magellan peut enfin donner corps à son rêve. Ce rêve qui n'est ni de conquérir ni de s'enrichir. Ni asservir. Ce rêve, c'est de tenir un pari. Promesse qu'il a faite à Francisco Serrão de le rejoindre aux Moluques, dans l'île d'Amboine, en prenant une route opposée à la première qui les y avait conduits ensemble des années plus tôt.