LA MUTINERIE
Fin mars 1520, Magellan décide d'hiverner dans la baie de San Julián, par 49° sud, pendant les cinq mois de la mauvaise saison. Il mate une grave mutinerie qui éclate sur trois des cinq navires commandés par des Espagnols dont les capitaines se rebellent. Reprenant habilement la situation en main, Magellan convoque un tribunal qui condamne les meneurs. Gaspar de Quesada, le capitaine de la Concepción est décapité, et sans craindre l'autorité des institutions qu'ils représentent, l'Amiral débarque et abandonne à son sort Juan de Cartagena, l'ancien capitaine de la San Antonio, grand d'Espagne et neveu de l'Evêque de Burgos. Le prêtre, Pedro Sánchez de la Reina, qui prit le parti des mutins, subit le même sort.
Ne perdant pas de vue le but de l'expédition, Magellan envoie le Santiago explorer une baie voisine. Le bateau fait naufrage, ses hommes réussissent toutefois à regagner San Julián par la terre. C'est à San Julián que les navigateurs voient leurs premiers lamas, ainsi que les fameux Patagons, littéralement, les hommes aux grands pieds, d'où le nom de la Patagonie.
Magellan reprend son chemin vers le sud à la fin août 1520. Le temps est exécrable, c'est l'hiver austral. Les navires passent encore deux mois à l'abri, devant l'embouchure du fleuve Santa Cruz. Le 21 octobre, il se trouve devant un cap qu'il baptise des Onze Mille Vierges, selon le calendrier catholique qui fête ce jour-là Sainte Ursule et ses onze mille compagnes massacrées à Cologne. Le 1er novembre, la flotte s'engage dans le labyrinthe que Magellan appelle de Tous les Saints.
Au cours de sa traversée, il aperçoit des feux sur la rive opposée, terre qu'il baptise la Terre des Feux. Lors de l'exploration d'un chenal, le pilote du San Antonio, le Portugais Estevão Gomes, s'empare de son navire, met son capitaine aux fers et reprend le chemin de l'Espagne, voulant, dit-il, y apporter la nouvelle de la découverte et revenir avec de nouveaux navires mieux approvisionnés et en meilleur état. Le mercredi 28 novembre 1520, les trois bateaux qui restent passent le cap Deseado, «le Cap du Désir, comme une chose bien désirée et de longtemps» et entrent dans «la mer grande et large», le Pacifique.