DISCOURS, RECITS ET REPRESENTATIONS :
CHRONIQUE JUDICIAIRE ET FICTIONNALISATION DU PROCES
Colloque, 10 et 11 mars 2016, Toulouse (France)
Médiathèque José Cabanis, Grand auditorium
1, allée Jacques Chaban-Delmas
BP 55 858, 31506 Toulouse CEDEX 5 Tél : 05 62 27 40 00
La fictionnalisation du procès de Jehanne d'Arc et sa récupération politique.
The fictionnalisation of the trial of Joan of Arc and its political exploitation
par Dominique Blumenstihl-Roth
(Auteur de Jehanne la Délivrance, éd. Peleman, 2013).
En raison de la grève des trains, je n'ai pas pu me rendre à Toulouse pour prononcer ma conférence.
Voici le texte que j'avais préparé :
Présentation
Le double-procès de Jeanne d'Arc témoigne d'une extraordinaire théatralisation de la justice inquisitoriale. Le procès, lieu de mise en scène, appartient au domaine de la parole : interrogatoire, argumentaire, délibéré… Ce recours à la parole atteint son paroxysme par l'extorsion des aveux qui constituent, aujourd'hui encore, la preuve majeure lors de toute instruction.
Aujourd'hui encore, l'apport de la preuve tangible est moins important que la fictionnalisation orale. L'accusateur expose sa version construite selon les intérêts de sa thèse. Les juristes — métier de parole et de théâtre — savent bien qu'il n'existe pas de "vérité absolue". Il n'existe que le pouvoir de persuasion : métier d'acteur et de metteur en scène !
Le processus inquisitorial, codifié, ritualisé, accepte toutes sortes de torsions, pourvu que l'essentiel soit préservé : la nécessaire condamnation de la coupable. Qu'en est-il de nos jours ? La chronique du procès de Jeanne d'Arc relate les innombrables irrégularités : tout devait conduire à l'issue préalablement décidée par celui-là même qui en fut l'organisateur. Procès-complot ayant fait l'objet de nombreuses adaptations aussi bien au théâtre qu'au cinéma, de l'hyperréalisme (Otto Preminger) à la métaphysique (Roberto Rossellini). Autant de livres, épuisant les historiens (Quicherat ou Anatole France) ! Autant de fictions et fausses légendes contre qui l'universitaire Olivier Bouzy tente en vain de lutter. Le procès de Jeanne d'Arc a bien quitté le lieu de l'histoire réelle : la fiction désormais l'emporte sur la réalité, fiction personnelle que chacun s'invente dans son théâtre intérieur fait de rêves et désirs.
D'où la puissante récupération politique dont le personnage fait l'objet par les mouvements d'extrême droite, versant l'épopée dans un pathétisme ultranationaliste où les fantasmes primaires imposent à l'histoire une coloration sectariste. Un rapt habilement calculé en raison de la portée de son symbolisme, perpétré à l'endroit de l'histoire. Comment "élargir" la captive des geôles de cet ostracisme ? Justement par une re-théâtralisation de ce procès accompagnée d'une exégèse où seraient abordés tous les aspects, y compris les moins confortables.
Comité scientifique
•Christine Calvet, Ingénieur d'études, Institut IRPALL, Université Toulouse-Jean Jaurès
•Emeline Jouve, Maître de conférences en études anglo-saxonnes, Centre universitaire Jean-François Champollion, Laboratoire CAS, Université Toulouse-Jean Jaurès
•Lionel Miniato, Maître de conférences HDR en droit privé, Centre universitaire Jean-François Champollion, Institut de droit privé, Université Toulouse I Capitole.