L'histoire de Jehanne
Il suffit de consulter les ouvrages qui lui sont consacrés. Toujours et encore les minutes de son procès où tant de détails sur sa personne sont révélés. Ainsi, de Jeanne d'Arc, on sait pratiquement tout. Du moins ce que les documents relatant les faits et gestes nous communiquent…
1412 : elle naît à Domrémy, sur les rives de la Meuse, dans une famille non pas exactement pauvre : son père est le doyen de la communauté, il dispose de quelques terres et d'une certaine notoriété. La jeune fille est entourée de ses frères qui sans doute contribuent à forger son caractère. A treize ans, elle entend des voix : oui, tout le monde le sait pour l'avoir appris à l'école primaire, la brave bergère qui de son propre aveu ne gardait guère des moutons, entendit une voix du ciel lui intimant l'ordre de bouter les Anglois hors de France, de rendre visite au roi Charles VII et le faire sacrer à Reims… Ricanement des uns, scepticisme des autres. Aujourd'hui encore, de nombreux auteurs cherchent les causes médicales pouvant expliquer l'audition des ces voix. Souffrait-elle de la tuberculose, d'une maladie mentale ? Les hôpitaux psychiatriques modernes ouvrent volontiers leurs portes aux patients réputés en communication avec des forces invisibles leur adressant des messages. Mais Jehanne n'eut pas le loisir de consulter le docteur Freud, et l'eut-elle fait, plutôt que se coucher sur le divan, elle eut invité le psychanalyste à réviser son interprétation des rêves en lui ordonnant d'enfourcher un canasson et passer à l'action.
Après avoir convaincu Robert de Baudricourt, capitaine de Vaucouleurs, de la mander auprès du roi Charles VII à Chinon, sans tarder, la jeune fille accompagnée de quelques hommes traverse la moitié de la France : voyageant de nuit comme de jour, elle couvre près de 600 km en territoire contrôlé par les Bourguignons et les Anglais et parvient aux portes du château royal. Charles VII… roi méconnu des Français ! Qui était-il ? Le spécialiste Jean-Pierre Lussan considère qu'il est le véritable fondateur de la nation française. Ce fut en effet un grand roi, celui que Jehanne appela Gentil dauphin, refusant de lui donner du Sire et de la Majesté tant qu'il n'accepterait pas d'être couronné à Reims. Ce fut un stratège inouï, ce fils déchu de Charles VI, qui sut recouvrer le royaume quand tout semblait perdu. Tout le Nord de la France, dont Paris, était aux mains des anglo-bourguignons, sauf quelques places fortes en Lorraine. Qui eut imaginé que ce roitelet parviendrait jamais à faire renaître la France ? Bedford, Régent du roi d'Angleterre avait quadrillé le territoire de garnisons. De la Picardie au Bordelais, Albion gouvernait. Quant à la puissante Bourgogne dont le duc, ancêtre du futur empereur Charles Quint, était plus riche que le roi de France, qui eut imaginé qu'elle put jamais essuyer la moindre défaite ?
Mystérieuse entrevue que celle de Jehanne et le roi ! Est-ce légende ou réalité, cette scène où elle reconnut son prince qui s'était dissimulé parmi la foule des courtisans ? La prenant à part pour une entrevue privée, le roi écoute la jeune fille : elle lui révèle un secret connu de lui seul. Quel est-il ? Ni la Pucelle ni le roi ne s'en ouvriront jamais. Lors de son procès, elle refusera obstinément de le trahir.
Elle fit part à son roi de ses révélations. Sainte Catherine et Sainte Marguerite lui avaient parlé et adressé un message. Message accepté par le Conseil royal qui toutefois désirait s'entourer de quelques précautions : il fallait que cette jeune paysanne venue des marches de Lorraine subisse des vérifications à Poitiers sous l'œil vigilent d'éminents théologiens. Tout d'abord, est-elle vierge comme elle le prétend ? De sa virginité dépend la pertinence de son message. A-t-elle réellement communiqué avec les saintes ? Est-elle envoyée de Dieu… ou du diable ? Les prélats attestent de sa pureté et la renvoient auprès de Charles VII, munie de garanties théologales: il ne fait point de doute, selon eux, que cette jeune fille dit vrai, et assurément, il convient de couronner le roi à Reims, "car telle est la volonté de Dieu."